Réponse de la Société canadienne du sida au Plan d’action contre les ITSS du gouvernement du Canada

Réponse de la Société canadienne du sida au Plan d’action contre les ITSS du gouvernement du Canada

Le 17 juillet 2019, le Gouvernement du Canada a publié un plan d’action intitulé Accélérer notre intervention : plan d’action quinquennal du Gouvernement du Canada sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang. Bien que ce Plan d’action constitue une étape fort nécessaire pour répondre aux taux en hausse marquée d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) au Canada, certaines lacunes préoccupantes doivent être signalées.

Avant tout, la Société canadienne du sida (SCS) exprime son appui aux priorités et thèmes généraux du Plan d’action. Les sept priorités générales du Plan d’action sont :

  1. Progresser vers la vérité et la réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis
  2. Stigmatisation et discrimination
  3. Innovation communautaire – Mettre l’accent sur la prévention
  4. Rejoindre les personnes non diagnostiquées – Accroître l’accès au dépistage des ITSS
  5. Fournir des services de prévention, de traitement et de soins aux populations qui reçoivent des services de santé ou des prestations de soins de santé du gouvernement fédéral
  6. Mettre à profit les connaissances actuelles et orienter la recherche future
  7. Mesurer l’impact, assurer le suivi et rendre compte des tendances et des résultats

La SCS reconnaît que ces domaines prioritaires seront d’une importance cruciale pour réduire les taux de VIH au Canada et elle maintient son engagement à travailler à ces priorités, mais elle souhaite souligner l’absence, dans le Plan d’action, de priorités concernant spécifiquement les soins et le soutien pour les personnes vivant avec le VIH.

La SCS a été déçue de constater que le Plan d’action ne renferme aucun élément d’action spécifique ni aucun objectif national spécifique. Outre les cibles mondiales à l’horizon 2030, on ne voit pas clairement ce que le Canada tentera d’accomplir en vertu de ce plan. Autre élément préoccupant, on n’établit pas non plus comment le Canada créera des changements positifs. La SCS ne peut comprendre qu’un plan d’action n’établissant pas d’éléments d’action conduirait à des résultats; elle croit que le Plan d’action doit être plus spécifique dans ses objectifs et par des étapes mesurables pour la réponse au VIH au Canada.

Nous sommes préoccupés par les échéanciers mentionnés dans le Plan d’action, que nous interprétons comme étant un manque d’urgence à l’égard de la réponse au VIH au Canada. Alors que le gouvernement fédéral a endossé les cibles mondiales relatives au VIH (90-90-90) à l’horizon 2020, son Plan d’action se concentre sur 2030, avec l’objectif général d’« Accélérer la prévention, le diagnostic et le traitement des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) afin de réduire leurs répercussions sur la santé au Canada d’ici 2030 ». En plus de passer sous silence le succès limité dans l’atteinte de cibles pour 2020, ce plan « quinquennal » échoue à présenter quelque objectif que ce soit à plus court terme qu’une décennie.

Il est affirmé, dans le Plan d’action : « Le gouvernement du Canada s’est engagé à jouer son rôle dans la conception, l’approbation réglementaire et le déploiement des technologies de DPS [dépistage au point de service] et autres technologies nouvelles, selon des méthodes normalisées qui en assurent la qualité. »

La SCS trouve cette affirmation inexacte, compte tenu de l’absence de soutien du gouvernement fédéral à des initiatives communautaires nationales comme la Journée nationale du dépistage du VIH, qui a permis de faire en sorte que des trousses de dépistage rapide du VIH au point de service soient utilisées lors de cette journée dans l’ensemble de la région de l’Atlantique – où il s’agissait d’une première. La SCS constate par ailleurs un manque d’insistance sur des stratégies de préventions dont l’efficacité est démontrée, comme les condoms.

En ce qui a trait aux populations nécessitant la priorité, le Plan d’action affirme : « Rejoindre les personnes non diagnostiquées est essentiel pour améliorer la santé des personnes vivant avec des ITSS et pour réduire la transmission des ITSS. Le gouvernement du Canada continuera d’appuyer les programmes et les initiatives qui font la promotion de l’accès aux tests de dépistage des ITSS et de leur utilisation. » Au moment où nous rédigeons le présent énoncé de position, les données préliminaires de la Journée nationale du dépistage du VIH démontrent que 35 % des personnes qui se sont fait dépister dans le cadre de cette initiative n’avaient jamais fait de dépistage; et que 67 % ne l’avaient pas fait au cours de l’année précédente. Cette initiative a sans conteste réussi à faire des percées dans populations qui n’avaient jamais été dépistées, mais le gouvernement fédéral a refusé jusqu’ici de la soutenir financièrement, depuis la première édition (2018), affirmant que cela relève de la compétence des provinces et territoires. Or toutes les provinces et tous les territoires ont appuyé le Plan d’action. Au-delà et en sus du rôle des provinces et territoires, l’ASPC a une responsabilité d’accroître l’accès au dépistage à l’échelle du Canada, en reconnaissant la diversité des populations et l’importance d’adapter les stratégies. Accorder le soutien financier, la reconnaissance, le soutien en ressources humaines et l’engagement, cela constitue une étape vers cette responsabilité et cela ne peut être assigné.

La SCS apprécie la reconnaissance par le gouvernement du Canada qu’il existe actuellement des lacunes dans les données de surveillance sur les ITSS, mais le Plan d’action se limite à mentionner que « [l]es gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont engagés à travailler ensemble pour renforcer la surveillance des ITSS en tant que priorité. »  Des données exactes et complètes sont un besoin immédiat et important; et des étapes concrètes doivent être conçues et présentées en détail au public, au-delà d’un vague engagement à prioriser la réponse à ces lacunes.

En outre, nous nous inquiétons qu’un financement inadéquat continue d’affecter le travail des organismes de réponse au VIH, pour les dix prochaines années, et de compromettre la capacité du Canada d’atteindre les cibles internationales, comme c’est le cas depuis 10 ans déjà. Le Plan d’action signale que « [d]es investissements fédéraux de 81,5 millions de dollars par année dans les ITSS demeurent essentiels à notre travail. » Ce plan d’action échoue ainsi à reconnaître la recommandation 20 du plus récent rapport du Comité permanent de la Santé de la Chambre des communes :

Recommandation 20: Que le gouvernement du Canada augmente le financement total pour l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida à 100 millions de dollars chaque année, tel qu’il est recommandé dans le rapport de 2003 du Comité permanent de la santé intitulée Renforcer la stratégie canadienne sur le VIH/sida.

La SCS appuie la recommandation d’augmenter le financement à 100 millions $ annuellement, spécifiquement alloué au VIH, plutôt que 81,5 millions $ pour l’ensemble des ITSS (qui n’est d’ailleurs pas une somme garantie annuellement). Sans financement adéquat, les organismes qui constituent la capacité même en matière de soins et traitement, de soutien, de dépistage, de recherche et de renforcement des capacités seront limités dans leur prestation de services.

Bref, la reconnaissance par le gouvernement du Canada de l’importance d’un plan pour répondre aux taux croissants de VIH et d’autres ITSS au Canada a beau être de bon augure, les étapes présentées dans son Plan d’action sont floues et ne fournissent aucun détail pour leur mise en œuvre. Nous recommandons que le gouvernement du Canada prenne les mesures suivantes afin de répondre aux lacunes de son Plan d’action :

  1. Appliquer la recommandation du Comité permanent de la santé de hausser le financement de la réponse au VIH à 100 millions $ annuellement (séparément du financement des autres ITSS).
  2. Identifier clairement des buts nationaux permettant la responsabilisation et la reddition de comptes à la fin du plan quinquennal.
  3. Décrire de façon explicite les étapes mesurables nécessaires à l’atteinte de ces buts nationaux.
  4. Soutenir financièrement les prochaines itérations de la Journée nationale du dépistage du VIH (dans le cadre d’une Semaine de sensibilisation à la santé sexuelle), en plus du soutien financier à l’expansion du DPS et d’autres technologies de dépistage dans les communautés qui n’y ont pas accès.
  5. Établir les mesures spécifiques qui seront prises pour améliorer les données de surveillance du VIH et d’autres ITSS.
  6. Rétablir le financement des 40 organismes qui l’ont perdu lors de la refonte du Fonds d’initiatives communautaires en matière de VIH et d’hépatite C (qui a conduit directement à une hausse historique des cas de VIH au Canada).
  7. Assurer une harmonisation des pratiques de réduction des méfaits pour l’éventail complet des ITSS.